Vers le sommet du Chachani (10h)
Le réveil à 1h du matin arrivent vite, très vite, le mal de tête de Josiane est toujours présent. Je lui propose d'annuler notre ascension afin de ne pas prendre de risque, mais elle s'y refuse, disant que le fait d'être debout lui fait du bien Nous prenons toujours notre traitement homéopathique pour le mal des montagnes. Pour ma part, pas de problèmes particuliers si ce n'est une légère pression à la tête, mais c'est insignifiant, certainement un effet de solidarité avec Josiane.
A l'heure dite nous commençons notre ascension de nuit, le froid nous accompagne mais heureusement il n'y a pas de vent. Ca commence tout de suite par une bonne cote, histoire de nous mettre en jambe et de nous réchauffer par la même occasion. Le groupe des jeunes est devant avec leur guide. Du fait de l'effort, la température du corps, en dessous des multiples couches de polaire et goretex, est vite agréable et le froid ne se fait plus sentir rapidement. Toujours ça de pris.

Au bout d'1h30 nous nous arrêtons, non pour faire une pause, les péruviens ne savent pas ce que c'est, mais pour mettre les crampons. Je souhaite aider Josiane car ce n'est pas facile à mettre et il faut un peu de force physique, et là c'est problématique pour elle, alors que la force mentale ne lui fait que rarement défaut. Ainsi de temps à autre nous faisons des échanges. Mais cela n'est pas du goût du guide qui nous fait une crise d'autorité, énervé, semble-t-il, que l'on ne marche pas assez vite, et bien ce Monsieur ne va pas être déçu du voyage. Je l'ai pourtant averti que je suis un marcheur lent, s'il veut l'oublier c'est son problème pas le mien. Après 10 minutes de manipulation, nos crampons sont correctement fixés à nos chaussures, si, si c'est le guide qui la dit. C'est la première fois que nous marchons avec ce genre d'appendices aux pieds. Les premiers pas sont bizarres mais, dès que nous foulons la glace, nous comprenons leur raison d'être et apprécions leur utilité. Nous traversons le glacier par un chemin en balcon qui heureusement est relativement plat, au début. Nous pouvons ainsi nous familiariser à cette marche un peu particulière. Sur notre gauche nous avons une vue sur Aréquipa by night, sous un ciel étoilé de toute beauté.

A ma grande surprise nous rattrapons le groupe de jeunes, et nous le dépasserons même. Notre guide qui a encordé Josiane a mis le turbo, moi pas encordé, entre les deux groupes maintenant, me démerde comme je peux, voyant la lampe de ma compagne et du guide s'éloigner de plus en plus. Je ne peux m'empêcher de penser qu'ils pourraient quand même m'attendre. Il faut vous dire, pour poser le contexte, que j'ai un problème d'audition, Je n'entends quasiment plus d'une oreille, cela à pour conséquence secondaire que selon les terrains, j'ai un équilibre précaire, qui d'une part me fatigue car je suis toujours en train de compenser cette perte d'équilibre, et d'autre part me fait marcher plus lentement. Et là, le terrain s'en donne à cœur joie pour déstabiliser mon équilibre. Josiane me dira plus tard, que pendant ce temps, de son côté, elle avait dit au guide de ralentir, afin de ne pas trop me distancer, mais ce dernier ne l'écoutait pas, du coup, comme elle était encordée à lui, elle marcha plus lentement ce qui l'obligea à ralentir également. Elle a même stoppé la marche pour l'arrêter. La traversée du glacier durera bien 3 h30 à 4 heures, avec des montées, descentes, passages délicats Notre 3e jambe (le piolet) constamment mis à contribution de part le devers du glacier que nous traversions.
Quand nous quittons nos crampons à la fin du glacier, nous sommes contents, et les premiers pas sans eux sont tout aussi bizarres que lorsque qu'ont les chaussés.

La nuit s'éclaircit, mais le vent se lève, glacé. Nous sommes au pied du Mont Fatima, et nous devons monter droit devant, nous sommes au alentour de 5600 m, Le guide ne propose même pas de pause déjeuner pour nous reconstituer un peu, il enchaîne de suite l'ascension de cette pente, au devers impressionnant. Josiane va mieux, son mal de tête a disparu, mais maintenant c'est le froid qui s'occupe d'elle; les mains mais surtout les pieds. Le soleil s'est levé, nous voyons que, vers le sommet il est déjà présent. Cela nous encourage à poursuivre pour essayer de nous réchauffer un peu. Le vent ne faiblit pas et a même tendance à forcir par moments. Les jeunes sont toujours derrière, mais regagne du terrain du fait de mes nombreux arrêts. J'en bave, la pente est tellement raide qu'à chaque pas je glisse de quelques centimètres et comme mes pas sont très petits, j'ai parfois l'impression de faire du surplace. Nous sommes toujours dans l'ombre, j'ai de plus en plus froid aux mains. Ce satané soleil qui ne veut pas venir à notre rencontre pour nous réchauffer. J'ai de plus en plus de mal à avancer, je n'arrive plus à lever mes pieds, je les traîne, et m'arrête tous les 10 pas, un pour reprendre mon souffle et deux pour savoir dans combien de temps on sera au soleil. Il prend vraiment tout son temps pour nous rejoindre.

Les lacets s'enchaînent doucement et l'on ne voit toujours pas le sommet, du coup je me renseigne auprès du guide dans combien de temps on sera au sommet pour faire une bonne pause. Il me répond dans 2 heures. Je lâche une volée du jurons bien français pendant que le moral, déjà pas très haut, fait une chute vertigineuse jusqu'au niveau de la mer, 5800m plus bas. Il n'a certainement pas compris ma question, je voulais dire le sommet de la partie que l'on monte actuellement, pas celui du Chachani. Pas très psychologue le guide, pour garder le moral des troupes.
Le soleil se décide enfin à nous rencontrer. Là, on s'arrête et on fait une vraie petite pause, permettant aux jeunes de nous rejoindre, oui oui ils étaient toujours derrière nous. Nous buvons et grignotons quelques sucreries que nous avions pris. Le soleil a du mal à nous réchauffer à cause du vent qui ne se décide pas à aller souffler ailleurs. Il est temps de reprendre la poursuite de cette cote, on est au 2/3 me semble-t-il de ce qui semble être un sommet, même si je me méfie de ces illusions d'optique (rappelez-vous l'Ausangate). Tous les trekkeurs et randonneurs connaissent cela, surtout quand on est fatigué : le moment où l'on pense qu'on est au bout et où le moral va jouer au yoyo en une seconde ; au plus haut, croyant être arrivé et redescendant aussi sec au constat amer que la montée se poursuit jusqu'au col plus haut qui vient de se révéler à nous et dont on est pas sûr que ce soit le dernier.

Mais le trekking, c'est cela, des petits morceaux d'objectifs à atteindre. Le mien actuel c'est de poursuite cette montée de plus en plus raide car elle ne fait plus de lacet. Nous traversons une partie enneigée. J'ai de plus en plus de mal à me motiver, je vois mon ombre qui avance de plus en plus lentement,. En revanche la position d'arrêt, pliée en deux en appui sur mes bâtons, semble être ma position naturelle. Nous nous rapprochons du sommet péniblement, mais l'on ne perçoit toujours ce qu'il y aura ensuite. Je prie le bon Dieu, non, je prie tous ceux que je peux prier et en toute les langues possibles,: il faut que je mette toutes les chances de mon côté, pour qu'il y ait un plat, ou, mieux, une légère descente. Mais, n'ayant pas trop l'habitude de cet exercice spirituel dans les moments critiques, ma foi n'a certainement pas été suffisante aux déités locales, car ils ont envoyé une réponse immédiate à travers la phrase prononcée le guide : va falloir remettre les crampons. Là, je craque, je refuse de devoir passer 10 minutes pour les mettre et 10 autres quand il faudra les enlever. Je suis exténué, et rien qu'à l'idée de l'effort à déployer pour le faire, je ne m'en sens pas capable. J'ai dépassé mes limites, je dis au guide que j'abandonne, et comme il n'a aucun sens de psychologie pour me remotiver, je reste sur ma position : il est 8h45 nous sommes à 5900 m, le Chachani m'a vaincu, je n'aurai pas de 6000 dans mon palmares.

Je dis à Josiane, qui a encore des réserves morales et physiques de poursuivre. Je les attendrais là au soleil mais elle ne veut pas, respectant ce qu'elle avait dit avant : on le fera ensemble ou on ne le fera pas. Les 3 jeunes et le second guide poursuivent l'ascension. Nous, nous redescendons avec le guide,qui ne nous adressera pas la parole pendant toute la descente qui durera 3h. Elle sera pénible puisque nous repassons pas le même chemin qu'à l'aller. Nous arriverons au camp à 11h45, pour ma part exténué par 10h de marche entre 5300 m et 5900 m. J'irai directement dans la tente me reposer.
Les jeunes et le guide arriveront à 15h, exténués mais avec des photos au sommet du Chachani à 6070 m dans leur appareil photo.

Eux, n'auront pas en plus le loisir de se reposer car il est l'heure de défaire le camp. Ensuite nous avons une heure de descente avant d'arriver au 4x4. Ce dernier nous attendra avec des boissons fraîches qui seront appréciées de tous. Le retour vers Aréquipa se fera par la même route qu'à l'aller et durera le même temps 3h30.
Nous rentrons à notre pension, prenons une douche et allons quand même fêter cette ascension au Mistica : 2 piscos sour patron, euh non finalement 4 piscos sour …

Frais incontournables :
Musculaire : (Beaucoup, beaucoup, beaucoup / personne et notamment pour moi).
Respiratoire : (
idem).
Mental :
ENORME, ENORME, ENORME.....

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